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apprécier un des éléments qui, au moyen âge comme dans l’antiquité, était essentiel dans la poésie lyrique, la musique des chansons, qui était sans doute considérée comme non moins importante que le texte, et à laquelle nous savons que plusieurs de nos trouvères ont dû le meilleur de leur réputation[1].

Genres apparentés à la poésie populaire ; le rondet et la ballette. — Cette observation s’applique plus rigoureusement encore à certains genres auxquels nous arrivons et qui, issus de genres populaires, eurent vers le milieu du XIIIe siècle un notable regain de popularité. Ils présentent ce caractère commun qu’ils ont été, au moins à l’origine, destinés à régler la danse et qu’ils sont restés subordonnés à la musique plus étroitement encore que la chanson ; quant au fond, ils ne diffèrent pas de celle-ci, sinon peut-être en ce que les mêmes idées y sont exprimées d’une façon moins didactique, plus vive et plus légère.

La structure du rondet ou rondel (d’abord roondet, roondel) a déjà été expliquée plus haut. Nous avons dit qu’à l’origine une grande liberté était laissée dans le choix du refrain, la part qui lui était faite, la place qui lui était assignée. Vers le milieu du XIIIe siècle cette forme se régularisa : le refrain qui ouvre la pièce (composé le plus souvent de deux vers) dut être répété partiellement au début et complètement à la fin ; entre la première et la seconde partie on intercala un vers, entre la seconde et la troisième, deux vers : le rondet ainsi constitué compte donc huit vers et se trouve identique au triolet du XVIIe siècle. Mais le refrain pouvait avoir trois et même quatre vers, et l’autre partie de la pièce s’allongeait alors dans les mêmes proportions : la pièce pouvait compter alors jusqu’à dix, douze vers et même davantage.

Les plus anciens exemples du genre ainsi régularisé sont d’un certain Guillaume d’Amiens qui écrivait vers le milieu du XIIIe siècle. Adam de la Halle, quelques années plus tard, composa une quinzaine de rondets dont plusieurs sont de petites merveilles de grâce tendre ou mutine :

  1. Sur la musique des chansons, voir la note qui fait suite à ce chapitre.