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les genres étudier plus haut et même, dans une certaine mesure, de la poésie courtoise.

On sait avec quelle solennité étaient, au moyen âge, célébrées dans le peuple ces « fêtes de mai », dont il est resté jusqu’à nos jours tant de traces dans les usages populaires de nos diverses provinces[1]. Non seulement « au Jour du renouveau et particulièrement le premier mai, on allait au bois quérir le mai, on s’habillait de feuillages, on rapportait des fleurs à brassées, on ornait de fleurs les portes des maisons ; mais c’était le moment où, sur la prairie verdoyante, les jeunes filles et les jeunes femmes menaient des rondes pour ainsi dire rituelles »[2].

Maints textes nous prouvent qu’à l’époque la plus ancienne, les femmes seules participaient à ces danses, qui eussent semblé en effet, à une époque de mœurs aussi rudes, bien indignes des hommes. Ce n’est guère qu’au XIIe siècle qu’on voit les bachelers se mêler aux jeunes filles dans les caroles. Il est naturel que les chants destinés à régler celles-ci n’aient mis en scène que des femmes, ou aient été faits exclusivement à leur point de vue. Nous avons suffisamment montré, dans les pages qui précèdent, combien facilement les genres objectifs se laissent ramener à une chanson de femme : dans la chanson de personnages et dans l’aube la soudure entre cet élément essentiel et les éléments adventices est encore très apparente. La pastourelle est peut-être un peu plus réfractaire à cette démonstration ; cependant il faut observer que, si le tour dramatique y est essentiel, c’est le rôle de la bergère qui occupe le premier rang. Si la pastourelle n’est point issue directement des chants de mai, elle a pu sortir des parades rustiques qui les accompagnaient et dont quelques-unes sont décrites dans nos pastourelles mêmes[3]. Ces divertissements avaient naturellement lieu en plein air, au sein de la nature renouvelée : il était donc inévitable que les chants qu’on y exécutait renfermassent des allusions à ce mois qui mettait fin au long repos de l’hiver. Nous savons en effet que les strophes des chants de mai ou reverdies s’ouvraient et se ter-

  1. On les appelait calendes de mai (cf. le provençal calenda maia, l’italien calendimaggio) ou maierolles.
  2. G. Paris, op. cit., p. 49.
  3. Voir plus haut, p. 357.