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C’est exactement, comme on le voit, la forme du moderne triolet.

Sujets traités dans les chansons à danser. — Si nous sommes suffisamment renseignés sur les formes successives de la chanson à danser, il n’en est pas de même en ce qui concerne les sujets qui y étaient traités. Nous savons cependant qu’à l’origine ces sujets pouvaient avoir un caractère sérieux et même tragique, comme le sont aujourd’hui ceux de certaines chansons de danse grecques et scandinaves. Aux VIIe et VIIIe siècles (on trouve même cet usage attesté jusqu’au XIIe), les chants dont les femmes accompagnent leurs danses sont souvent consacrés à célébrer des exploits guerriers, et oscillent ainsi entre l’épopée et la poésie lyrique[1]. Les chansons d’histoire, sans doute très voisines de ceux-ci par la forme, ne nous présentent plus que des sujets amoureux et romanesques, mais traités encore avec beaucoup de gravité. Bientôt ce caractère disparut presque complètement des chansons de danse : les refrains dans lesquels revivent pour nous celles des XIIe et XIIIe siècles se partagent en deux classes qui, par le ton et l’inspiration, ne sont pas sensiblement différentes : les uns (et c’est l’immense majorité) sont simplement des effusions amoureuses, où ne se peint jamais un sentiment bien profond ; les autres contiennent des allusions aux divers genres que nous avons étudiés, et ce que nous en avons dit suffit à en marquer le caractère conventionnel et à demi plaisant.

Les refrains représentent-ils une ancienne poésie populaire ? Est-il possible de remonter à celle-ci ? — Les refrains ne représentent donc point, comme on l’a soutenu, la poésie spontanément éclose sur notre sol qui a dû précéder la poésie courtoise et dont nous avons nous-mêmes constaté l’existence au début de ce chapitre. Cette poésie populaire et spontanée ne se trouve point non plus, nous l’avons vu, dans les genres étudiés plus haut.

L’analyse que nous avons donnée de ceux-ci suffisait presque à le démontrer : s’il est nécessaire d’y ajouter quelques réflexions,

  1. D’après le fameux passage de la Vie de saint Faron, les exploits de Clotaire II contre les Saxons étaient chantés par des femmes formant des chœurs : « feminæque choros inde plaudendo componebant. » (Dom Bouquet, III, 505.)