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que notre antique pastourelle des XIIe et XIIIe siècles (et c’est là un dernier éloge qui a sa portée) n’en offre point de traces[1].

Chanson à danser ; refrains. — Nous plaçons ici la mention d’un dernier genre, le rondet, ou chanson à danser, non point qu’il soit plus complexe ou plus récent que les précédents, mais d’une part parce que nous le connaissons surtout par des fragments qui ne nous permettent point de nous en faire une idée tout à fait précise, de l’autre parce que ces fragments contiennent de nombreuses allusions aux genres qui viennent d’être passés en revue et nous seraient inintelligibles s’il ne nous était rien resté de ceux-ci.

Ces fragments sont désignés dès le moyen âge par le mot de refrain (plus anciennement refrait et refrai), qui signifia d’abord des vocalises, des fioritures musicales (du latin refrangere, refractum), puis passa de bonne heure au sens qu’il a gardé. En réalité les « refrains » que nous ont conservés une foule de rondets, un certain nombre de chansons courtoises[2] et d’œuvres narratives, étaient bien répétés, à la façon du refrain moderne, dans les rondets d’où ils ont été détachés. En cette qualité ils en résumaient la pensée sous une forme vive et frappante, et c’est là probablement une des circonstances auxquelles ils ont dû d’être conservés tandis que tout le reste se perdait. Ils y étaient répétés pour la raison très simple qu’ils correspondaient à la répétition de mouvements identiques. Nous savons en effet assez exactement, grâce aux descriptions fréquentes dans les textes, aux miniatures des manuscrits et surtout à la persistance de nos antiques caroles dans certaines contrées ou provinces[3], comment les chansons de danse étaient appropriées à leur destination. Elles étaient partagées, par parties à peu près égales, entre un soliste ou chef de chœur et le reste de la bande. Les trois pas exécutés dans un sens déterminé et le balancement qui se produisait avant qu’on recommençât le même mouvement et

  1. Il y a bien dans quelques pièces (Barstch, III, 40) des allusions précises à des événements contemporains ; mais elles se présentent dans des propos que l’on peut sans aucune invraisemblance prêter à de véritables bergers.
  2. Ils y apparaissent, tous différents les uns des autres, à la fin de chaque couplet.
  3. Elles revivent exactement dans les danses actuelles des îles Fœrœ et aussi dans celles qui s’exécutent aujourd’hui encore dans certains villages des Landes au son des roundets.