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de ses domaines, bien décidée à ne jamais permettre qu’on lui parlât de chevalerie. Mais le jeune Perceval fait en pleine forêt la rencontre de deux chevaliers dont l’aspect lui cause la plus grande surprise. Il leur demande le nom et la raison d’être des différentes pièces de l’armure, et, rentré chez lui, déclare à sa mère qu’il veut mener la vie de chevalier. Aucune considération, aucune prière ne peut le retenir : il part, et commence la série ordinaire des aventures. Un jour, dans le château du roi pêcheur, il voit passer devant lui un plat mystérieux, un graal, à propos duquel il n’ose demander aucune explication. Le roman de Chrétien, étant resté inachevé, fut continué sous deux formes, également incomplètes, qui paraissent indépendantes l’une de l’autre, et enfin terminé par d’autres auteurs, de trois façons différentes. C’est dans les continuations que le « graal » est identifié avec le vase où Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ, et que Perceval, apprenant les vertus miraculeuses de la précieuse relique, se lance dans de nouvelles aventures pour la retrouver, la retrouve en effet, et en hérite après la mort du « roi pêcheur ». Le jour où il mourut lui-même, le Saint-Graal fut enlevé aux cieux.

Le Perceval de Chrétien a été imité à l’étranger, notamment par Wolfram d’Eschenbach ; le poème de Wolfram a un dénoûment particulier et une longue et curieuse introduction, dont l’origine n’est pas établie.

Après Chrétien de Troyes, le poète qui a le plus contribué à la formation des légendes arthuriennes est le chevalier franc-comtois Robert de Boron, qui écrivit, lui aussi, vers le commencement du XIIIe siècle, un Perceval. Ce poème est perdu ; mais nous avons une rédaction en prose qui en dérive selon toute vraisemblance. Perceval y conquiert le Saint-Graal, et le roman se termine par le récit de la mort d’Arthur d’après Jofroi de Monmouth. Enfin nous possédons un troisième Perceval, très différent des deux premiers[1].

  1. Sur le Parsifal de Wagner, et en général sur les adaptations wagnériennes des romans courtois, voir H. S. Chamberlain, Das drama Richard Wagners, Leipzig, 1892, — Kufferath, Parsifal, Paris, 1890. — Alfred Ernst, L’art de Richard Wagner, l’œuvre poétique. Paris, 1893, — enfin et surtout R. Wagner, Gesammelte Schriften und Dichtungen, Leipzig, 10 vol., in-8, t. I-IX, 1871, t. X, 1882.