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ROMANS ÉPIQUES

qui lui restitue le trône[1]. Il enlève bientôt Hermione à Oreste et se rend à Delphes pour remercier les dieux de l’appui qu’ils lui ont prêté pour venger son père. En son absence, Ménélas, appelé par sa fille, veut se défaire d’Andromaque et de son fils Landomata ; mais ils sont sauvés par le peuple, et Oreste, ayant secrètement tué Pyrrhus, ramène Hermione à Mycènes[2].

L’œuvre se termine par une Télégonie. Ulysse, trompé par un songe qui le menace des embûches de son fils, fait emprisonner Télémaque et s’enferme dans un château fort dont l’entrée est interdite à tous. Télégonus, qu’il avait eu de Circé, arrive et demande en vain à voir son père. Une lutte s’engage et Ulysse, accouru au secours de ses gardes, est blessé mortellement par Télégonus, qui reconnaît son erreur au moment où Ulysse se nomme. Télémaque se réconcilie avec son frère, le fait soigner et le renvoie à sa mère comblé de présents. Le trouveur, en finissant, blâme ceux qui seraient tentés de critiquer son œuvre.

2. Le « Roman de Troie » et son auteur. — L’auteur du Roman de Troie s’est assez souvent nommé dans son œuvre : une fois seulement, il a ajouté à son nom de Benoit (Beneeit) une indication d’origine, « de Sainte-More ». Au milieu de l’épisode de Briseïda (v. 13 431-44), pour s’excuser du jugement sévère qu’il vient de porter sur les femmes, Benoit a inséré l’éloge d’une « riche dame de riche roi », qui pourrait servir à dater et à localiser le poème, si les termes en étaient moins vagues. S’agit-il d’Éléonore de Guyenne, femme du roi d’Angleterre Henri II ? On a objecté avec raison[3] que cet éloge convenait peu à une femme que son époux, qui soupçonnait sa vertu, avait dû tenir enfermée pendant douze ans ; d’ailleurs, ce serait rajeunir un peu trop le poème que de placer la composition de ce passage en 1184, date de la réconciliation des deux époux. Si l’on admettait, avec Léopold Pannier, que Benoit s’adresse à Adèle de


    Thétis et de Pélée et donne une curieuse explication évhémérique de l’origine des dieux et des Muses.

  1. Avant de reprendre l’Orestie, le trouveur raconte, comme Dictys, comment la sœur de Memnon, Hélène, alla chercher à Troie le corps de son frère, lui fit faire un riche tombeau, puis disparut mystérieusement.
  2. L’auteur fait ici mention d’un fils posthume de Pyrrhus et d’Andromaque, Achillidès, qui rétablit son frère sur le trône de Troie. (Voir Romania, XXI, 32 et suiv.).
  3. Léopold Pannier, Revue critique d’histoire et de philologie, V, 247 et suiv.