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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

composée entre 1223 et 1230, dont il reste de nombreux manuscrits aux titres variés, mais qu’il convient d’appeler, avec M. Paul Meyer, Histoire ancienne jusqu’à César[1]. Elle est basée sur un manuscrit de la rédaction picarde (mss. AP), ce qui résulte de l’insertion de l’épisode de la fille de Lycurgue et de ce fait que Tydée, Parthénopée et Polynice accompagnent Jocaste et ses filles, après leur visite au camp, sinon jusqu’au palais, ce qui est déclaré inadmissible, du moins jusqu’aux portes de la ville. L’auteur supprime les jeux, ainsi que les épisodes de Monflor et les amours d’Aton et d’Ismène, qu’il fait aimer par Parthénopée ; en revanche il s’étend complaisamment sur la « tigre privée ». Après le récit de la mort d’Amphiaraüs et de l’élection de son successeur, il passe brusquement à la mort des deux frères.

Il faut encore noter deux particularités : l’auteur renvoie après la sépulture des Grecs morts devant Thèbes, ne sachant où la mettre à cause de ses suppressions, l’allusion à la grandeur future de Diomède (cf. Thèbes, 7229-40), et il termine en signalant la reconstruction de Thèbes sous le nom d’Estives (= εἰς θἠβας) : c’est ainsi, en effet, qu’on l’appelait au moyen âge.

En dehors de cette rédaction et de la rédaction un peu délayée dont nous avons parlé, il en existe une troisième, dont l’auteur use d’une plus grande liberté tout en conservant la même base, et une quatrième (B. N., fr. 15 458) assez abrégée, et qui supprime l’épisode de la fille de Lycurgue et celui d’Hypsipyle[2] ? Enfin une rédaction développée, mais très libre, se trouve dans l’ouvrage publié en deux volumes pour la première fois en 1491 par le libraire Vérard (et plusieurs fois depuis) sous ce titre : Les Histoires de Paul Orose traduites en français, etc.[3], dont le premier

  1. Voir Romania, XIV, 36 et suiv., et Légende d’Œdipe, p. 315-349. — L’unité de style qu’on peut reconnaître dans l’Histoire ancienne empêche d’admettre que le Roman de Thèbes ait été mis en prose par un auteur différent et simplement inséré à sa place par le rédacteur anonyme de cette vaste compilation.
  2. Il y a encore une rédaction abrégée dans un ms. fort corrompu de Turin coté, dans le catalogue Pasini, XXIII, g. 129, et dont nous ne connaissons que les premières lignes.
  3. Orose, dont l’ouvrage n’est, comme on sait, qu’une revue rapide des événements de l’histoire ou de la fable destinée à prouver que tous les malheurs de la terre jusqu’au triomphe du christianisme ont eu pour cause l’ignorance du vrai Dieu, s’était contenté de dire : « Omitto et Œdipum interfectorem patris, matris maritum, filiorum fratrem, vitricum suum. Sileri malo Eteoclem et Polynicem mutuis laborasse concursibus, ne quis eorum parricida non esset. »