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témoin ce cycle incomparable de la Croisade qui, desinens in piscem, s’achève, hélas ! par un Baudouin de Sebourc et un Bastart de Bouillon

C’est plus tard aussi qu’on a un jour imaginé de créer une geste nouvelle qui s’est fondue en France avec celle de Doon, mais qui a conquis en Italie une véritable indépendance « et y a produit la criminelle famille des Maganzesi, des Mayenaçis[1] ».

C’est plus tard, mais de trop bonne heure encore, qu’on a eu l’audace de faire pénétrer de véritables romans d’aventures dans l’auguste enceinte réservée jadis aux seules fictions épiques.

C’est plus tard enfin, qu’un poète, d’imagination plus hardie que les autres, s’est amusé à supposer que les héros des trois grandes gestes étaient nés le même jour et à la même heure à la lueur des éclairs, au bruit de la foudre et au milieu d’une horrible tempête qui présageait les futurs exploits de ces trois conquérants[2]. Il était difficile d’aller plus loin dans la voie de la monomanie cyclique, et c’est, à vrai dire, la suprême consécration de tout le système.

Il convient toutefois de tenir quelque compte de ces classements qui sont de nature et de valeur si diverses, et c’est sous le bénéfice des observations précédentes que nous offrons ci-dessous une Classification générale des chansons de geste, avec la date de leur composition et les noms connus de leurs auteurs[3].

  1. Gaston Paris, la Littérature française au moyen âge, p. 43.
  2. Doon de Mayence. vers 5392 et suiv. ; 6879 et suiv.
  3. HORS CADRE. Chanson d’origine mérovingienne : Floovant (XIIe siècle).

    I. GESTE DU ROI. 1o Poèmes relatifs à la mère de Charlemagne et à Charlemagne lui-même jusqu’à l’adoubement de Roland. Berta de li gran pié, du ms. fr. XIII de la Bibliothèque Saint-Marc à Venise (fin du XIIe siècle) ; Berte aus grans piés, d’Adenet (vers 1270) ; Mainet (fin du XIIe siècle) ; Karleto, du ms. fr. XIII de Venise (fin du XIIIe siècle) ; Charlemagne, de Girard d’Amiens (dernières années du XIIe siècle) ; Enfances Ogier, première partie de la Chevalerie Ogier de Danemarche, par Raimbert de Paris (fin du XIIe siècle) ; Enfances Ogier, du ms. fr. xiii de Venise (fin du XIIe siècle) ; Enfances Ogier, remaniement d’Adenet (vers 1270) ; Enfances Roland (Orlandino et Berta e Milone), du ms. fr. xiii de Venise (fin du XIIe siècle) ; Aspremont (fin du XIIe siècle). Ce qui concerne Ogier ne figure ici que pour mémoire.

    2o Poèmes relatifs à la lutte de l’Empereur contre ses vassaux rebelles (formant en partie ce qu’on a pu appeler l’Épopée féodale). Girars de Viane, de Bertrand de Bar-sur-Aube (commencement du XIIIe siècle) ; Chevalerie Ogier de Danemarche, de Raimbert (fin du XIIe siècle. — Il en existe un remaniement en alexandrins du XIVe siècle) ; Renaus de Montauban (XIIIe siècle. — Il en existe un remaniement du XIVe siècle) ; Jehan de Lanson (XIIIe siècle. — Une version très allongée se trouve dans la Geste de Liège). — Les trois premiers de ces poèmes appartiennent en réalité à d’autres gestes et ne sont ici que pour mémoire.

    3o Charlemagne et ses pairs en Orient. Pèlerinage à Jérusalem (premier quart