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CHAPITRE II

L’ÉPOPÉE NATIONALE[1]




I. — Les origines de l’Épopée nationale.


De l’Épopée en général et de ses caractères distinctifs. — « Il y a cent ans, nos origines littéraires nous étaient aussi peu connues que la littérature du Thibet. » Cet aveu, qui n’a rien d’excessif, n’est pas dû à un admirateur fanatique de nos Chansons de geste, mais à un esprit indépendant et pondéré[2], et c’est dans la Revue des Deux Mondes que nous avons eu tout récemment l’heur de le rencontrer. Rien n’est assurément plus juste, et il serait légitime d’ajouter que rien n’était plus ignoré, il y a cent ans, que la nature même et l’essence de l’Épopée.

Il semble cependant que tout travail sur les Chansons de geste devrait commencer par une définition de l’Épopée, et que sans cette lumière tout reste dans l’ombre.

« L’Épopée est, chez toutes les nations, la forme primitive de l’histoire ; c’est l’histoire avant les historiens. » Cette définition, qui est de Godefroid Kurth, a le mérite d’éliminer toute une famille de poèmes qui n’ont d’épique que la gloire ou le nom. Personne aujourd’hui ne s’aviserait de confondre, à ce

  1. Par M. Léon Gautier, membre de l’Institut
  2. M. Bédier.