Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour lui qu’il a commis des malversations et le conjure de venir le défendre devant le roi. L’ingrat le repousse impitoyablement sans lui offrir d’autre présent qu’un pauvre drap pour se couvrir. Le malheureux, très confus, s’en va trouver son second ami, qui le reçoit moins brutalement, mais s’excuse de ne pouvoir l’accompagner à la cour. « Il lui répond : « N’y puis rien faire. — Je suis pris par une autre affaire. — Dans un peu t’accompagnerai — et puis après je reviendrai ; — car j’ai besoin en ma maison. »

Le pauvre homme tout affligé va trouver son troisième ami, celui qu’il n’obligea jamais, et, la tête basse, il lui dit sa peine. Mais voici que ce bon ami l’embrasse tendrement : « J’irai avec toi, lui dit-il, jusque devant le roi ; aie bon espoir ; quoique tu aies fait peu pour moi, je te défendrai devant ton juge. »

Le premier ami, ce sont nos richesses, pour qui nous faisons tout ici-bas et, à la mort, elles ne nous fournissent rien qu’un linceul. L’autre ami, ce sont nos familles : un homme meurt :

« Jusqu’à la fosse, ils le convoient. — Quand jusque-là l’ont convoyé, — c’est fini de leur amitié ; — elle va jusqu’à l’enfouir, — et quand vient l’heure de partir — chacun retourne à son affaire, — sans plus vouloir pour lui rien faire. — Le troisième ami, c’est le bien, — qu’en ce monde fait un chrétien. — Il en fait peu en tous ses jours, — mais ce peu fait son seul recours. — Et quand tous ses autres amis — lui sont dans le besoin faillis, — celui-là jusqu’à Dieu le mène, — et le délivre de la peine. »

Les vies des saints orientaux abondent en belles paraboles, écrites, comme celle-ci, avec une simplicité assez ferme. L’ascétisme est le trait dominant et comme l’inspiration fondamentale de ces poèmes ; la plupart des saints qu’ils mettent en scène, sont des héros de la pénitence ; les uns après de grands crimes ; les autres, comme Joasaph ou Alexis, sans avoir rien à expier. La crainte et l’aversion du monde est le caractère commun de leur sainteté ; la plupart sont des ermites.

Un troisième groupe de saints, aussi étrangers à notre histoire, moins étrangers à notre race, sont les saints d’origine celtique ; eux aussi furent peu connus en France jusqu’au XIe siècle ; la bataille d’Hastings (1066) qui livra l’Angleterre à Guillaume