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Bethman en 1839, et publié pour la première fois par Génin dans son édition de la Chanson de Roland (1850). Les caractères sont presque d’un bout à l’autre ceux des notes tironiennes. Quant à la langue, c’est un mélange étrange de latin et de français. Le tout forme un commentaire de la légende de Jonas, que quelque prédicateur a dû écrire à la hâte avant de monter en chaire. Je n’en citerai qu’une seule phrase ; elle suffira à donner une idée de ces notes :

Jonas profeta habebat mult laboret et mult penet a cel populum co dicit et faciebat grant iholt et eret mult las… un edre sore sen cheue quet umbre li fesist e repauser si podist. Et lætatus est Jonas super ederam lætitia magna.

La Passion et la Vie de saint Léger sont deux poèmes beaucoup plus étendus et d’une plus grande importance. Ils sont contenus tous deux dans un manuscrit de la bibliothèque de Clermont (no 189). Le premier, dont plusieurs traits sont empruntés à l’évangile apocryphe de Nicodème, est composé de 516 vers octosyllabiques, divisés en strophes de quatre vers. Écrit vers la fin du Xe siècle, il ne représente pas cependant l’état du français à cette époque, car il appartient à un dialecte, qui mêle les formes de la langue du Nord à celles du Midi[1].

La Vie de saint Léger, dont nous possédons la source latine, composée par le prieur Ursinus, est composée de quarante strophes de six vers octosyllabiques. C’est le récit de la lutte entre l’évêque et Ébroïn, et du martyre qu’il subit. Ce poème, lui non plus, ne nous donne pas l’état du français de l’Île-de-France au Xe siècle. L’auteur est probablement un Bourguignon, le scribe un Provençal[2]. Néanmoins, j’ai tenu à indiquer ces textes, dont l’intérêt philologique est considérable, et qui nous acheminent par leur caractère à la fois religieux et littéraire vers la première composition du siècle suivant, la Vie de saint Alexis, par laquelle s’ouvre à proprement parler l’histoire de la littérature française.

  1. On en trouvera une excellente édition, donnée par M. Gaston Paris, dans Romania, II, 295 et suiv.
  2. Voir l’édition critique donnée par M. G. Paris (Romania, I, 273 et suiv.).