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Comme on peut le voir par la comparaison de la lecture que nous donnons et de l’original, avec quelque soin que le texte des Serments ait été transcrit, soit déjà par la faute de celui qui l’a pris dans l’acte original, soit par la faute du copiste qui nous a laissé le manuscrit que nous possédons, il a fallu y faire quelques changements. Les Serments ont été copiés par quelqu’un qui ne les comprenait pas exactement, puisque des mots se trouvent réunis, qui devaient être séparés, et inversement ; quelques autres passages ont été gâtés et n’offraient pas de sens satisfaisant avant qu’on les eût corrigés, prudemment. Mais l’ensemble de la transcription, sauf quelques taches, presque toutes faciles à effacer, constitue un document philologique d’une incomparable valeur. Sous la graphie qui s’essaie à fixer une langue nouvelle et n’y parvient parfois qu’en altérant la prononciation[1], le document garde pourtant à peu près sa vraie figure, et reste la seule source où on saisit en voie d’accomplissement des transformations que les textes postérieurs présentent déjà tout accomplies[2].

En 860, la paix fut proclamée à Coblentz en roman français et en germanique, mais la formule de la déclaration ne nous est pas parvenue, pas plus que les harangues françaises de Haymon, évêque de Verdun, au concile de Mouzon-sur-Meuse (995). Toutefois nous possédons, de la fin du IXe siècle, une composition pieuse, écrite dans l’abbaye de Saint-Amand en Picardie, qui a été retrouvée en 1837 dans un manuscrit des œuvres de saint Grégoire de Nazianze, déposé aujourd’hui à la bibliothèque de Valenciennes (ms. no 143). C’est une prose ou séquence de vingt-cinq vers en l’honneur de sainte Eulalie, vierge et martyre, généralement citée sous le nom de Cantilène de Sainte Eulalie.

La même bibliothèque de Valenciennes conserve en outre, sur un morceau de parchemin qui a servi autrefois à couvrir un manuscrit de saint Grégoire de Nazianze et qui est aujourd’hui en fort mauvais état, un texte du Xe siècle, découvert par

  1. Ainsi le scribe ne sait comment noter ei de saveir, parleir, deift : il emploie l’i : cist, in, int, ist devaient sans doute sonner e : cest, en. L’e muet est traduit par a dans aiudha, cadhuna, fradra, par e dans fradre, Karle ; par o dans damno, Karlo, suo, poblo, nostro. Plusieurs autres mots sont altérés et latinisés : nunquam, commun.
  2. Ainsi le texte donne fradre, fradra, où l’a tonique n’est pas encore changé en e. Il donne auidha par un dh, appelé sans doute à représenter un t affaibli, et déjà voisin du d.