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romans-germaniques, dans lesquels des mots romans, qu’on a malheureusement trop souvent déformés et latinisés, sont placés en face des mots de la langue qu’ils traduisent. Il s’en faut de beaucoup, bien entendu, que ces Glossaires soient complets et fidèles ; ils n’en restent pas moins des documents d’une haute valeur.

Les deux principaux sont ceux de Reichenau et de Cassel. Le premier, ainsi nommé de l’abbaye dont il provient[1], a été rédigé sans doute en France. Il comprend deux parties, l’une (fo 1 à 20) destinée à expliquer les termes de la Vulgate que l’auteur jugeait les plus difficiles, l’autre formée d’une liste alphabétique de termes de toutes sortes. Ainsi qu’on va le voir, sous leur air latin, les mots trahissent déjà le français qui va naître :

Sculpare : intaliare (entailler) ; sarcina : bisatia (besace) ; gratia : merces (merci) ; sindone : linciolo (linceul) ; mutuare : impruntare (emprunter) ; jecore : ficatus (foie) ; singulariter : solamente (seulement) ; da : dona (donne) ; meridiem : diem medium (midi) ; in foro : in mercato (en marché) ; oves : berbices (brebis) ; epulabatur : manducabat (il mangeait) ; caseum : formaticum (fromage).

Le Glossaire de Cassel[2], rédigé sans doute par un clerc de Bavière, où germanique et latin étaient alors contigus, est de la fin du VIIIe siècle ou du commencement du IXe. Il donne, avec leur traduction allemande, une liste de mots latins classés par catégories d’objets ; quelques-uns d’entre eux ont une forme toute romane (probablement ladine plutôt que française) :

Mantun : chinni (menton) ; talauun : anchlao (cheville, talon) ; figido : lepara (foie) ; va : canc (va) ; laniu vestid : uillinaz (vêtement de laine, lange).

Au IXe siècle, l’Église, qui, nous venons de le voir, appréciait

  1. Il est aujourd’hui à la Bibliothèque de Carlsruhe, sous le no 115 (ms.).
  2. Autrefois dans un couvent de Fulda, aujourd’hui à la Bibliothèque royale de Cassel, cod. théol., 24. Il a été publié par W. Grimm, avec un fac-similé complet, Berlin, 1848. Diez a réuni ce glossaire et le précédent dans une étude commune, traduite par M. Bauer dans le fascicule 3 de la Bibliothèque de l’École des Hautes Études. Il en existe d’autres encore. M. Gaston Paris en a préparé en collaboration avec M. Paul Meyer un Corpus : mais ce recueil, qui mettrait à la portée de tous des documents importants et nouveaux, n’a malheureusement pas encore paru.