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INTRODUCTION

V. — Les premiers textes.


Les Glossaires. — Quoiqu’on ait vraisemblablement écrit d’assez bonne heure en roman de Gaule, sinon des livres et des actes authentiques, du moins des notes, des comptes, et d’autres choses encore, aucun texte du VIIe ni du VIIIe siècle n’est parvenu à échapper aux multiples causes de destruction qui menaçaient les œuvres littéraires, et à plus forte raison les écrits considérés comme étant sans importance.

De temps en temps seulement un mot jeté en passant nous apprend que le roman vit et se parle à côté du germanique, en face du latin qui s’écrit. En 659, saint Mummolin est nommé évêque de Noyon et successeur de saint Éloi ; une des raisons qui décident de ce choix est qu’il parle à la fois bien le teutonique et le roman[1]. Les livres, les formulaires[2], les diplômes de cette époque reflètent aussi la langue parlée, et nous apportent des mots et des tours auxquels on essaie en vain de donner un air latin : tels sont, pour me borner à quelques termes : blada pour ablata (la moisson), menata pour ducta (mené), rauba pour vestis (robe), soniare pour curare (soigner)[3].

Au VIIIe siècle, les renseignements sont un peu plus nombreux. Plusieurs personnages nous sont encore cités pour leur connaissance du roman : Ursmar, abbé de Lobbes, sur la Sambre[4] et saint Adalhard († 826), qui le possédait « au point qu’on eût dit qu’il ne parlait que cette langue », quoiqu’il fût encore plus éloquent en allemand et en latin[5]. À partir de ce moment du reste les sources diplomatiques, actes et modèles d’actes, ne sont plus les seules où nous puissions suivre les traces de la langue parlée. On voit apparaître des Glossaires latins-romans, ou

  1. Quia prævalebat non tantum in teutonica, sed etiam in romana lingua. Acta sanct. Belgii sel., IV, 403. (Cf. Jacob Meyer, Ann. Flandrix, I, 5, vo Anvers, MDLII.)
  2. On en trouvera la liste avec des indications détaillée dans Giry, Manuel de diplomatique, 482 et suiv.
  3. Formulæ Andecavenses, nos 22, 24, 29, 58.
  4. Folcuin, Gesta abb. Lobiens., I, 24 (Mon. Germ., XXI, 827).
  5. Qui si vulgari, id est Romana lingua loqueretur, omnium aliarum putaretur inscius : si vero theutonica, enitebat perfectius : si Latina, nulla omnino absolutius (Acta SS. ord. S. Bened., IV, 335).