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m’enseigne où vous êtes. Ce n’est point que malgré votre négligence je ne m’en sois plusieurs fois informée. Ce fut même la première demande que je fis à M. du Noyer que j’allai voir dans sa retraite au Temple, mais il me parut si affligé des chagrins que la vôtre lui avait causés, aussi bien que de la récente perte de votre cher fils, que je n’osai, dans ce premier temps, lui faire connaître l’empressement que j’avais de vous donner de mes nouvelles et de recevoir les vôtres. Je ne savais plus à qui m’adresser, lorsqu’en revenant il y a quelques jours, du Palais, je vis approcher de mon carrosse un grand homme d’une figure assez extraordinaire qui me demanda si je voulais acheter des livres de Hollande, « de ces livres, me dit-il, madame, qui sont défendus ». Vous connaissez la curiosité des Français et surtout celle de notre sexe là-dessus : je lui dis de me suivre et sitôt que je fus arrivée chez moi, je lui fis retourner un grand sac qu’il portait sous son bras. Le premier de ces livres qui me tomba sous la main, ce fut le premier volume de vos Lettres Galantes. « Il y en a deux, me dit cet homme ; ils sont de cette savante et illustre Mme du Noyer. En voici encore trois de ses Mémoires, il n’y a rien au monde de mieux écrit. » Vous me rendrez assez de justice, Madame, pour croire que je n’avais pas besoin de l’approbation de ce marchand, pour en rendre une parfaite aux beaux talents dont la nature a pris tant de soin de vous pourvoir. J’examinai tous ces livres, je n’y trouvai non seulement rien de meilleur, mais même qui approchât de la délicatesse et du style de vos ouvrages. Et, sitôt que mon marchand fut parti, je commençai à parcourir vos Lettres Galantes ; je ne fus pas, je vous l’assure, peu surprise de m’y reconnaître pour votre fidèle correspondante : je tremblai, à chaque feuille, d’y trouver mon nom. Je n’étais pas moins surprise que vous ayiez rendu