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Ainsi, quelques jours avant le Tour de France 1908, tout ragaillardi par mes victoires du Tour de Belgique et de Paris-Bruxelles, j’étais convaincu que personne ne pourrait me battre.

Et personne ne me battit. Et quand même je serais arrivé vingt cinquième dans la première étape, contrairement à ce qui passait les années précédentes, je n’en aurais ressenti aucun découragement.

J’étais sûr de moi ; j′avais fait tout ce qu’il fallait pour parvenir a ma meilleure forme ; j’avais travaillé consciencieusement sans jamais me forcer ; j’étais en excellente santé parce que, depuis Bordeaux-Paris, je n’avais fait aucun excès, ni de nourriture, ni de boisson, ni de… quoi que ce soit. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut se présenter dans une course ; autrement, il n′y a point de victoire acquise d’avance.

Voulez-vous que je vous résume ma période d’entraînement ?

J′ai commencé à faire du vélo en février dernier ; de cinquante à soixante kilomètres par jour, à bonne allure, sur les côtes méditerranéennes, lesquelles, hélas ! ne sont pas à la portée de tout le monde, mais où la forme s′acquiert assez rapidement, le soleil étant toujours de la partie.

Je suis rentré à Paris ensuite et j′ai travaillé ferme jusqu’à Paris-Roubaix.

Première course, première défaite : il tombait de la neige ce jour-la, et, à Doullens, il se produisit un incident qui ne me permit pas de défendre mes chances.

Deuxième course : Bordeaux-Paris, seconde défaite ; je n’étais pas encore au point et, de plus, à Tours, je dus emprunter un vélo qui n’était pas à ma taille.

Troisième course : Tour de Belgique ! Cette fois j′étais en merveilleuse condition. Je me sentais m’en aller tout seul sur la route. Je me sentais imbattable. De fait, je le fus, puisque seul Garrigou parvint à me montrer sa roue d′arrière dans deux étapes si j’ai bonne mémoire.