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AU TRAVAIL

Les rigueurs de l’entraînement. — Il est difficile de se mettre bien au point. — Quelques excès au cours de ma carrière.


Mais j’aborde maintenant la partie la plus intéressante de ce volume, l’entraînement du champion, ou plutôt de l’homme que la foule a sacré grand champion parce que la chance l’a favorisé dans trois Tour de France.

J’ai eu au cours de ma carrière plusieurs désillusions. J’avais d’abord l’intention de me consacrer uniquement à la piste et à la vitesse. Il me semble que j’avais quelques qualités pour cela. Seulement, je vous l’ai dit plus haut, à Buenos-Ayres, dans tout l’éclat de mes dix-sept ou dix-huit ans, je n’avais aucune tactique. Toute la journée j’étais sur mon vélo. Quand je n’étais pas sur la piste où toujours je me livrais à des excentricités fantastiques, c’était dans les rues où je semais la terreur par mes sprints désordonnés. J’allais bien vite à l’entraînement ou sur les places de la grande cité sud-américaine, mais les dimanches, jours de courses, je n’existais plus, et j’avoue que mon désespoir était grand.

Il était venu d’Europe de vrais champions : Contenet, Singrossi, Simar, Decaup et tutti quanti. Ils étaient joliment durs a battre ces gaillards-là. J’y parvins pourtant. Je m’empresse de reconnaître aujourd’hui que la chance me favorisa, et que ce n’est pas la science que j’apportais à m’entraîner qui me valut les quelques succès auxquels je dois la popularité que l’on m’accorde de l’autre côté de l’Océan.

C’est en France, dans le pays le plus sportif du monde, quoi qu’en disent les Anglais, que j’appris à travailler avec quelque peu de méthode.

J’avais alors définitivement abandonné la vitesse pour le fond.