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vélo ». C’est, du moins ainsi que Simar, la joyeuse Pipelette, me surnommait, Et il n’exagérait pas du tout.

Aujourd’hui, l’expérience a calmé mes ardeurs. Je ne suis plus du tout le même. Ainsi, il ne me viendrait jamais à l’idée, au lendemain du Tour de France, d’aller m’exhiber en public, et tenter d’éblouir la galerie par quelques démarrages bien sentis. Je le faisais au bon temps jadis, avant que je ne lise — je vais faire plaisir à M. Desgrange, l’auteur de la préface de ce livre sans prétention — La Tête et les Jambes. Je ne le ferais plus, maintenant, même si l’on m’offrait des milliers de francs. Est-ce fantaisie de capitaliste — car je suis devenu capitaliste, et ça me change rudement — est-ce un peu de plomb dans la tête ? J’aime mieux faire croire à Henri Desgrange que c’est la seconde raison qui est la bonne.

Toujours est-il que je rentre chez moi le soir, sans avoir, lorsque je ne suis pas à l’entraînement, accompli un seul tour de piste. Où est-il, le bon temps du Vélodrome de Palermo, à Buenos-Ayres ? À cette époque, avant que je revienne en France, il y a plus de six ans de cela, je roulais toute la sainte journée. Les assidus de l’entraînement n’avaient qu’à demander le « Petit-Breton », et ils étaient servis. L’Enfant de Plessé se mettait en piste immédiatement, et, simplement dans le but de récolter quelques bravos, exécutait quelques-unes de ces imprudences qui amènent fatalement le surentraînement et quelquefois bien pis.

C’est un bonheur pour moi de me retrouver aujourd’hui encore en possession de toutes les qualités dont mes parents m’ont gratiné.

Je dîne sobrement, sans me priver, mais sans me permettre un seul excès, et une fois de temps à autre je m’autorise le théâtre ou le concert, plutôt le théâtre qui convient mieux à mes goûts.

Je raffole du Français. J’aime beaucoup l’Opéra-Comique. J’aimais encore mieux les réceptions au Consulat Argentin, où je suis considéré plus que