Page:Petit-Breton - Comment je cours sur la route, 1908.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

tient la tête du classement avec une avance telle qu’il lui faudrait d’invraisemblables catastrophes pour le lui faire perdre. Et pourtant, quand je le vois sur la route, je ne puis m’empêcher de songer au bon sprinter qu’il fut jadis, à la silhouette indéniable qu’il possède du beau coureur de vitesse. Pas davantage je ne puis oublier qu’il est un nerveux avant d’être un musculaire et qu’il parait anormal qu’il puisse calmer ses nerfs des centaines de kilomètres durant. Je n’oublie pas, non plus, que ses abandons furent nombreux dans les courses sur route et qu’il abandonna certains Bol d’Or.

« Mais l’évidence est là, je le répète. Le Tour de France transforme notre homme, en fait un calme, un pondéré, un prudent. L’autre jour, au contrôle de Nancy, la neutralisation n’était pas achevée et Petit-Breton, sur sa machine, soutenu par un soigneur, attendait le signal du départ, les yeux obstinément fixés au sol, l’esprit absorbé.

« — À quoi pensez-vous, lui demandai-je ?

« — À la fin de l’étape, me répondait Petit–Breton.

« Il songeait à l’utile, au Ballon d’Alsace, et toute l’étape durant, il ne songea qu’à cela et jamais, 200 kilomètres durant, il ne commit la moindre faute qui pût compromettre la lutte finale.

« Ce nerveux devient un calme chaque année pendant 28 jours.

« H. D. » 


Aujourd’hui que l’épreuve est terminée et que vous l’avez gagnée, naturellement, je n’ajouterai que des choses dont souffrira votre modestie, mais qu’il faudra tout de même placer en tête de votre ouvrage.