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dans ses lunes, mais au fond, c’est une bonne fille et pas moucharde… D’ailleurs, elle sait ce qui en retourne pour son papa… et que c’est un fameux coq pour qui toutes les poules sont bonnes !…

Indifférente, comme absente, Cady avait traversé la chambre et s’était assise sur une chaise basse, où elle songeait, absorbée.

Armande fut frappée de la beauté mélancolique de ce visage d’enfant, d’un ovale allongé, à la peau mate et lisse, dont la bouche un peu grande était marquée d’un pli amer. Le nez petit, régulier, avait des narines extrêmement mobiles ; les yeux, très grands, s’encerclaient d’un halo bleuâtre à la moindre émotion. Les cheveux châtain clair, parsemés de mèches blondes, tombaient droit très épais : mais, autour du front et des oreilles, ils frisaient : poils d’or et de soie auréolant le visage d’énigme de cette jeune existence que l’on devinait déjà très personnelle, pleine de rêves mystérieux, de pensées inconnues, de joies et de tourments jalousement dérobés.

— En voilà une qui doit avoir sa tête ! pensa l’institutrice.

Et elle vint se planter devant son élève.

— Savez-vous qui je suis, mademoiselle Cady ?

Mais ce fut à elle de se décontenancer, car, au lieu de la boutade d’écolière mal élevée qu’elle attendait, elle vit une correcte fillette se lever et lui tendre la main poliment, le coude haut.

— Je vous demande pardon de ne pas vous avoir saluée, mademoiselle, dit-elle avec aisance. Mais j’ai beaucoup de chagrin du départ de ma nourrice.

Sur ces derniers mots, la voix de Cady s’altéra, ses yeux se voilèrent, ses narines frémirent, les coins de sa bouche se crispèrent nerveusement. Sur son visage d’enfant passa une expression qui, dans les traits d’une femme, eût dénoncé la volupté la plus vague.

— Une petite passionnée, remarqua Mlle Armande