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— Tu crois ? fit Cady avec doute.

— Bien sûr !… C’est assez cuit puisque ça brûle. Cet argument paraissant sans réplique à la fillette, le ragoût fut vidé dans un plat et les enfants l’emportèrent dans le cabinet de toilette, où la vaste chaise longue leur parut le meuble le plus confortable pour effectuer leur repas.

— C’est délicieux ! s’écria Georges avec conviction, en dévorant un fragment d’aile.

— Vrai ?

— Jamais je n’ai rien mangé de si bon !… Tu es une cuisinière épatante, Cady !… Mange aussi toi, ma loute !…

Cady, qui se sentait subitement de l’appétit, essaya d’une carotte.

— Oui, c’est bon, déclara-t-elle en broyant avec effort le légume cru à l’intérieur et fortement rissolé sur le dessus.

Puis, elle goûta du poulet, et décréta, après réflexion, que ce qu’il y avait de meilleur, c’étaient les pommes de terre.

L’absence de pain ne les gênant point, ils burent de l’eau du broc de toilette dans un verre dans lequel demeurait un parfum de dentifrice.

À cette minute qui devait rester profondément gravée dans leur souvenir, mieux encore que leur appétit satisfait, la certitude de leur accord, de leur affection pour ainsi dire involontaire, les emplissait d’un sentiment de joyeuse sécurité, de bonheur sans prix.

Et l’entente absolue, la rare communion de ces deux êtres si différents de race, de milieu, de nature, avait cette force étrange, cet élan mystérieux de l’amour irréfléchi, souverain, qui parfois lie les adultes, sans que leur raison puisse intervenir pour proscrire ou ratifier leur choix.

Brusquement, leur quiète griserie se glaça. Cady se dressa à demi, comme un chevreuil apeuré.