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— Ensuite, ça a été un autre jeune homme, et puis un ministre… Lorsque, tout à coup, elle a dételé : croyez bien que c’est parce qu’elle était trop esquintée pour risquer le coup… Un jour, elle s’a fait faire un affront, dont elle n’est pas revenue… Et c’est pour lors qu’elle n’a plus trotté après les hommes… Mais, ce qu’elle s’en est appuyé, la salope !…

Lentement, la tête de Cady s’était courbée. Du doigt, elle traçait inconsciemment des dessins sur la nappe. Elle se sentait singulièrement étourdie, avec une sorte de nausée.

La femme du concierge toucha doucement son coude, murmurant avec timidité :

— Si vous n’avez plus faim, mademoiselle, vous feriez peut-être mieux d’aller vous coucher. Cady ne répondit pas, ne bougea pas, paralysée par une invincible inertie.

Cependant, le repas s’avançait. Une des jeunes femmes de chambre s’étira.

— Ah ! on a assez mangé !… Si on danserait ?

— Et la musique ?

L’Anglaise se jeta un verre de champagne dans le gosier et se dressa, inspirée :

— Oui, la gigue !…

Le maître d’hôtel rit.

L’ont-ils dans le sang, leur danse, ces Angliches !

Le cuisinier, qui avait fait des saisons à Brighton, se mit à siffler un « hornpipe » célèbre.

Des applaudissements éclatèrent.

— Bravo !… La gigue, l’Anglaise !…

Valentin avait couru à la cuisine et rapporté deux poêles et des cuillers de bois.

— V’là l’accompagnement !…

Le gros valet et le maître d’hôtel s’emparèrent des poêles sur lesquelles ils frappèrent à tour de bras, pendant que le cuisinier dirigeait le rythme de son sifflet aigu.