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mande et demeura immobile, le front dans ses mains, captivée par ces lignes, qui mettaient en elle une sorte d’ivresse brutale.

La porte s’ouvrit brusquement ; sa jeune sœur Jeanne dévala dans la chambre en dansant joyeusement.

— Tu viens, Cady ? C’est la fête à miss, et Clémence paie un chouette gueuleton dans la salle à manger ! cria l’enfant d’une petite voix argentine, où l’argot apportait une étrange fausse note.

Et, agrippée aux mains de son aînée indécise, elle l’entraînait.

— Viens, on va rigoler !… Y a Maria, y a Valentin, et puis deux bonnes de la maison, et puis le gros maître d’hôtel du premier, et puis tout plein d’autres !…

Cady la suivit, un peu choquée.

— Dans la salle à manger ?… Eh bien ! ils en ont du culot !…

Elles arrivèrent au moment où on s’attablait, toute l’électricité étincelant sur la profusion des surtouts, des jardinières de fleurs entassées sur la nappe, que maculait déjà le contenu d’une bouteille de vin brisée.

Clémence, la grosse cuisinière, blafarde, aux chairs flasques, aux yeux en trou de vrille, le nez retroussé canaille, relevant la lèvre violacée au-dessus de la brèche des dents, Clémence trônait au milieu du couvert, en face de l’héroïne de la fête, l’Anglaise de Baby.

Celle-ci, trop grande, plate, dégingandée, avec de gros os, une tête de cheval, les pommettes rougies et les yeux éraillés par l’alcool dont elle abusait, montrait, dans le décolletage d’une robe de crêpe de Chine bleu fripée, une chair fine, remarquablement blanche.

— Entrez, les gosses, et venez baffrer ! Pour une fois, vous aurez du bon ! cria Valentin très excité.