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volupté innée de son exécution. Elle n’assistait point aux leçons de piano et ne soupçonnait pas le talent précoce de cette écolière, si rétive et si paresseuse pour tout le reste de son éducation.

À la fin du morceau, les applaudissements crépitèrent, furieux et enthousiastes. Cady se leva, souriante, salua imperceptiblement et s’échappa du cercle complimenteur de l’orchestre pour venir se jeter aux côtés de Mlle Armande, la poitrine palpitante, les yeux brillants de fièvre.

— Oh ! Cady, quelle folie ! Je vous en prie, allons-nous-en, supplia l’institutrice.

La fillette attira le jambon.

— Attendez que j’aie mangé.

Cependant, elle ne pouvait avaler, la gorge contractée.

Un gros homme blond s’était levé d’une table, et, après un peu d’hésitation, il s’adressa au pianiste avec un fort accent germanique :

— La demoiselle… Est-ce qu’on peut lui causer ?

Mlle Armande gémit :

— Vous voyez !…

— Oui, faut calter, murmura-t-elle avec satisfaction. Payez, mademoiselle.

Pendant que Mlle Lavernière cherchait de la monnaie, d’une main hâtive et maladroite, le musicien répondait sèchement à la demande indiscrète qui lui était posée :

— Non, monsieur, cette demoiselle est ma sœur… et on ne lui cause pas…

— Ah !… fit l’autre surpris.

Cady se levait, jetait un sourire aux musiciens, et poussait son institutrice vers la porte, en la pinçant cruellement au gras du bras et des hanches.

— Au trot !

À la porte, elle arrêta un fiacre :

— Sept bis, rue Pierre-Charron !…

Affalée sur les coussins, Mlle Lavernière soupira :