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Cady, qui prêtait l’oreille, tressaillit :

— Méfiance !… Voilà parrain ! jeta-t-elle bas, en refourrant le livre à sa place, et bousculant sa compagne pour rentrer dans le salon.

L’aspect du vieillard impressionna Mlle Armande. Elle le trouva aristocratique. Le déjeuner l’enchanta. Il y avait de la truite à la mayonnaise, des rognons en brochette, du pâté d’alouettes, une salade, du fromage, des fruits, et les pommes au rhum, ajoutées pour Cady. Le tout abondamment servi et de qualité exquise, ainsi que le vin.

Le Moël mangeait lentement, en gourmet heureux d’avoir conservé un estomac solide, en dilettante qui jouissait de rassasier en même temps son palais de bonne chère et ses yeux de la mignonne créature placée en face de lui.

Depuis longtemps, le vieillard, par mesure de prudence, avait renoncé à l’un de ses plaisirs favoris d’antan : s’attabler en compagnie d’une jolie femme et entremêler les satisfactions culinaires et celles de l’amour. Aussi, la brûlure légère, sans danger, que lui causait cette présence de femme-enfant, lui était-elle une sensation tout à fait délicieuse.

Tout en émettant des paroles quelconques, en répondant poliment à Mlle Lavernière, dont le physique le laissait complètement indifférent, il savourait en connaisseur les trésors de cette chair juvénile, l’éclat incomparable de ces yeux, le grain fin de cette peau ; l’or semant cette chevelure soyeuse, tout ce qu’il y a d’indicible et d’inappréciable dans l’extrême jeunesse de l’être humain.

Peu à peu, enfourchant son dada favori, d’un ton solennel de grand-père vertueux, avec des yeux pétillants de vieux marcheur, le sénateur déplorait en termes amers la progressive évolution sociale, où la femme se virilise, perd sa grâce, son charme, répudie ses fonctions, oublie sa raison d’être :

— Pauvres folles qui, pour dominer l’homme,