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— Voilà assez de jeu et de désordre… Renfermez tout, petites, et allez-vous-en dans vos chambres. Les deux fillettes se hâtèrent d’obéir, sans protestation. Mme Darquet reprit sa lecture, mais elle restait visiblement distraite.

Au moment de sortir, Cady se ravisa, revint vers sa mère et demanda, d’une voix douce et insistante :

— S’il vous plaît, maman, je voudrais bien savoir quel âge il avait, M. Armand Woechlin, et quand il est mort…

Mme Darquet fronça les sourcils, jeta à sa fille un regard d’incompréhensible menace et répondit immédiatement, d’une voix dure, scandant ses mots :

— Armand Woechlin est mort il y a onze ans, il avait vingt-trois ans… Il s’est suicidé.

Cady baissa la tête, frappée d’étonnement, et s’éloigna sans mot dire.

Suicidé !… Ce mot sonnait étrangement à son oreille, n’évoquant rien de précis en elle, car il lui semblait qu’il ne pouvait s’allier qu’avec la vulgarité des faits divers parfois parcourus dans les journaux. Le suicide éveillait, en son imagination, des visions sordides et ignobles… Voyons, on ne se suicidait pas à vingt-trois ans, quand on était un garçon bien élevé, appartenant à une famille riche ?

Elle retrouva dans sa chambre Mlle Armande qui venait de rentrer. Elle ne remarqua point l’attitude gênée, la fébrilité de son institutrice, ses rougeurs subites, ses absences, son rire aigu et factice.

Absorbée, elle rassemblait les vagues indications arrachées à sa mère ; elle essayait, le cœur encore navré par la disparition des photographies, de reconstituer nettement l’image de cet Armand Woechlin qui lui ressemblait si singulièrement et qui s’était suicidé…

Puis, comparant des faits :

— Pourquoi m’a-t-elle dit qu’il était mort avant ma naissance, ce n’est pas exact, songea-t-elle. S’il