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c’était bien fini la joie de ses dimanches d’enfant gâtée aux côtés de son père !… Et cela, grâce à cette étrangère !…

Brusquement, tout lui parut affreux, triste, odieux autour d’elle. Elle examina ses compagnons et nota les veinules violettes du nez de Darquet, la patte d’oie striant profondément ses tempes, ses paupières et ses oreilles flasques. Auprès de lui, l’œil émerillonné, Mlle Armande montrait une peau jaune, au grain grossier, sur laquelle la chaleur de la salle commençait à faire luire de minuscules gouttelettes de sueur.

— Ils sont laids !…laids !… marmotta la fillette avec dégoût, avec désespérance, se sentant prodigieusement éloignée moralement de ces deux êtres dont le mutuel désir sensuel qui la frôlait l’emplissait d’une immense répulsion.

Jusque-là, elle avait gaiement raillé les liaisons, les fugues passionnelles de son père, que lui révélaient seulement les propos grossiers des domestiques.

Mais ce n’était chez elle que du verbiage, un machinal cynisme d’emprunt devant les faits intangibles. Face à face avec la réalité, le contact de celle-ci l’écœurait et désorientait sa pauvre petite âme de fillette, qui, d’instinct et obscurément, conservait pour son père un besoin de confiance et de respect, gardait le désir exaspéré d’une affection pure et protectrice de sa part.

— Oh ! oui, ils sont laids ! se répétait-elle rageuse- ment, sans démêler que son horreur dépassait les personnes physiques, allait jusqu’aux âmes vulgaires de ce couple.

— Qu’est-ce que tu dis ? demanda Cyprien qui recouvrait sa bonne humeur, son genou pressant celui de l’institutrice, sous la table.

Cady éleva une voix dédaigneuse.

— Je dis que tout le monde est affreux.