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religieuse, un avide besoin de recréer de ses mains une beauté pareille, encore magnifiée par sa propre collaboration.

— Oh ! s’écria-t-il avec ferveur. Si tu pouvais tenir la pose !…

En elle aussi s’infiltrait un bonheur orgueilleux de contribuer à la création d’une œuvre qui attirerait l’admiration d’une foule et demeurerait éternelle…

— Je te jure que je ne bougerai pas ! affirma-t-elle courageusement.

Il apporta des appuis et les fixa avec soin sous les bras étendus de l’enfant, qui n’eût pu, sans ce soutien, supporter la fatigue de son attitude.

Du reste, avec la conscience de ce qu’il y avait d’éphémère dans « l’occasion » vaguement rêvée et sur laquelle il n’avait jamais compté de façon positive, Jacques se hâtait de jeter sur la toile une esquisse qui caractérisât tout l’inestimable de ce corps inachevé, cette perfection de lignes élancées que la féminité définitive, tôt venue, détruirait et remplacerait par des beautés moins rares.

Durant les minutes de repos nécessaire qu’il imposait à son modèle, ni Jacques ni Cady ne quittaient leurs places, devinant obscurément que le charme pur de leur émotion artistique fondrait et s’altérerait si leurs personnes se rapprochaient.

Cependant, le temps s’écoulant, ils durent s’avouer leur harassement.

Le visage pâli et vieilli, la ride de son front profondément creusée, Jacques Laumière eut un geste de dépit.

— Allons, en voilà assez pour aujourd’hui ! s’écria-t-il la voix chargée de regret.

Cady ne protesta pas. Sa tête était lourde, ses membres douloureusement engourdis ; il lui semblait que ses pieds ne posaient plus sur le sol, mais foulaient quelque chose d’instable et de vacillant.