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— Oui, je la vois, fit-elle d’une voix enfantine, appliquée, levant les yeux et fixant son regard sur la Russe.

Julien avait pris sa main, qu’il caressait affectueusement. Il aimait cette petite et lui voulait du bien, quoiqu’il méprisât un peu sa nature très féminine ; et, surtout, il mettait un orgueil à subjuguer ses clientes. Inconsciemment, Suzanne était pour lui un sujet sur lequel il s’essayait.

— Sacha est depuis trois ans dans une clinique où, tous les jours, vous m’entendez ?… tous les jours, il se fait cinq ou six curetages, pour ne parler que de l’opération qui nous intéresse… Sans cesse, des femmes entrent là, se font soigner, repartent guéries, et nulle, je vous en réponds, ne se tourmente ainsi que vous le faites, nulle ne montre une mine de sacrifiée comme vous.. Est-ce vrai, Ouloff…

Debout, ses interminables bras tombant le long de sa jupe noire, Sacha, qui examinait curieusement la jeune femme, eut un sourire dédaigneux pour toute réponse.

Suzanne restait crispée, la chair frémissante, son tremblement intermittent ne cessant point tout à fait. Par contre, le trouble de Robert s’évanouissait avec rapidité.

Enlaçant tendrement la jeune femme, il l’admonestait :

— Tu entends, chérie ?… Tu entends ?… Voyons, sois courageuse !…

Julien haussa les épaules, agacé.

— Eh ! c’est toi qui l’épouvantes !… Ne dirait-on pas que tu la supplies d’aller à l’échafaud !…

Sacha approcha.

— Ne vous troublez pas, madame, dit-elle avec plus de douceur que l’on n’eût pu en attendre de cette étrange fille, d’extérieur si peu féminin. D’abord, ce soir, ce n’est que la préparation… On ne vous fera aucun mal… Où est votre chambre ?… Venez-y avec moi…