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— Comme elle va être heureuse ! pensa-t-il en se hâtant vers son logis.

À mesure qu’il approchait, gravissant d’un bon pas la rue Caulaincourt, qu’il se jetait dans l’ascenseur et tournait le passe-partout dans la serrure de la porte, une allégresse plus intense se développait en lui et le possédait. Ce fut, un sourire radieux aux lèvres, une fièvre brûlant en ses yeux, qu’il entra tapageusement dans la pièce silencieuse, doucement éclairée, où la jeune femme se tenait assise près de la table, les mains jointes sur ses genoux, courbée, enfoncée dans une songerie muette.

— Suzanne !… victoire !… Suzanne, embrasse-moi, félicite-moi ! cria-t-il en se précipitant à genoux devant la mignonne créature qu’il enveloppa tout entière de ses deux bras.

Elle avait tressailli et se renversait, effarée, sans un mot, toute blanche, toute roide, les yeux assombris, comme ne pouvant plus refléter aucune flamme.

— Qu’as-tu ? fit-elle, très lointaine.

Il l’abandonna, se releva, dégrisé. Et, jetant son chapeau sur un meuble, il enleva son pardessus.

— Lombez prend la direction des Folies-Parisiennes, et ma pièce sera représentée dans une quinzaine, probablement, dit-il avec sécheresse.

Suzanne le considérait, comme si elle eût aperçu un être nouveau, inconnu, en cet homme, en ce mari, cet amant, qui, sans s’enquérir des heures de torture qu’elle venait de subir, sans chercher dans ses yeux l’angoisse de l’abîme où elle glissait, la regardant sans la voir, devant elle, et à cent lieues d’elle, venait léger, joyeux, vainqueur, lui parler de choses qui, à présent, la touchaient si peu !…

— Ah ! fit-elle, glacée.