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pagnons. Joseph-Pol La Boustière ouvrait de larges yeux admiratifs devant le célèbre critique dramatique. Mais le jeune maître fit un geste de refus insolent, serra la main de l’actrice, lui sourit avec familiarité et tourna les talons.

Il portait une longue redingote très pincée à la taille, et roulait un peu les hanches en marchant. En sortant du service militaire, il avait été écuyer de manège jusqu’au jour où, remarqué par la maîtresse d’un sénateur, il était entré comme secrétaire chez celui-ci. La vocation littéraire lui était venue par le canal d’une célèbre demi-mondaine qui, désireuse d’écrire ses mémoires, s’était attaché ce « secrétaire », dont les fonctions délicates n’étaient pas de tenir la plume sous la dictée de la charmante femme — un romancier fournissait le manuscrit, tout prêt à être signé — mais d’intimider ou de calmer, par la persuasion, la crânerie, ou la pointe de son épée, les personnages qui se froissaient de se voir un peu trop clairement désignés dans le livre de la dame, sinon écrit par elle, du moins composé d’après les révélations de son oreiller et de son cabinet de toilette.

Sitôt le critique disparu, Lombez se leva, entraînant La Boustière. Yvette et Vriane suivirent, tandis que Mady demeurait assise, après de courtes excuses. À peine la porte était-elle retombée derrière le groupe que Robert dégringolait l’escalier, se glissait prestement entre les tables, sans entendre l’harmonie recommençante des violons tziganes, et rejoignait la jeune femme. Elle l’accueillit du demi-sourire triomphant et menaçant qui ne l’avait pas quittée depuis une heure.

— Eh bien ! vous avez compris ? demanda-t-elle.

Et, répondant à l’interrogation ardente des regards du jeune homme :