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— Quel cabotin ! murmura Robert Castély empli d’une honte pour l’ami — et aussi d’un certain contentement…

Les lâchetés de ceux qui nous entourent pallient les nôtres à nos propres yeux.

Et, entre ces gens, le provincial, but de leurs attaques, demeurait inerte, son gros corps maladroitement avachi sur la chaise, qui ployait sous son poids, témoignant seulement par le jeu inquiet, de plus en plus émotionné de ses yeux de rêve candide, du trouble extraordinaire où le mettaient les discours qu’il percevait vaguement, les espoirs dont on l’intoxiquait, le charme aigu, presque excessif pour sa chasteté timide, des deux femmes qu’excitaient une sorte d’odeur de combat, une fauve résolution de conquérir, de vaincre cet homme, qui détenait l’argent, la puissance, la royauté !…

À deux ou trois reprises, la musique s’était tue, puis ranimée, toujours, sensuelle et suave, véritable musique d’alcôve ; les tables s’étaient dégarnies et remplies de nouveau. Sans trêve, durant des instants, les Cinghalais souples et silencieux circulaient en vitesse, portant et rapportant les plateaux chargés ou vides ; puis, inoccupés pendant un court moment, ils stationnaient parfois debout, le coude appuyé le long d’une colonne, sur une seule jambe, d’un gracieux hanchement statuaire, leurs yeux de lynx dans le visage brun immuable fouillant les entours.

Et, la lutte, saisie et suivie uniquement par Robert, se poursuivait, acharnée, à la table de Mady. Maintenant, on devait en être à la discussion directe de l’affaire, car la petite Yvette se taisait, sérieuse, mordant sa lèvre. Guy de Vriane las, pâli, se renversait sur sa chaise, laissant la parole aux premiers rôles, Lombez et Mady, qui se redressaient de chaque côté du gros poète,