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creusé d’une ride profonde, il prononça, d’une voix hésitante, tout imprégnée des émotions qui l’enserraient :

— Voilà… il faudrait pouvoir faire de l’art purement, sainement… sans toutes ces compromissions, ces travaux d’approche louches et ardus, dans lesquels on s’épuise et on s’écœure… où l’on perd la faculté et le goût de produire, de créer…

Elle ne répondit pas, dérobant son visage, ainsi que les femmes ont coutume de le faire, lorsque des larmes involontaires et qu’elles jugent intempestives viennent gonfler leurs paupières.

Il devina son émotion. Il la partageait. Mais, comme tous deux s’apitoyaient uniquement sur eux-mêmes, aucun geste tendre ne vint confondre leur trouble.

Un brusque cahot coupa leur rêverie. Robert atteignit machinalement l’éternelle cigarette ; Mady tamponna ses joues d’une houpette tirée du petit mouchoir dissimulé dans son corsage.

— Et quel homme est-ce ? demanda Robert tout naturellement, sans s’expliquer davantage.

Elle répondit aussitôt :

— C’est un gros garçon, élevé en province, aux idées très timorées… un Joseph-Pol — trait d’union et Pol avec un o de La Boustière… petite noblesse de Champagne ; enrichi par sa mère qui possédait d’importants vignobles… Il fait de la poésie chrétienne… il a offert sans succès, à l’Odéon, à la Comédie-Française, à la Porte-Saint-Martin et au théâtre Sarah-Bernhardt, un drame chrétien, symbolique, social et politique. Quelque chose d’énorme. Mon Dieu, ce n’est pas absolument sans valeur, mais si bizarre, si peu dans la note. C’est Guy de Vriane qui a abouché le personnage avec Lombez…

Robert hocha la tête avec une nouvelle amertume.