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de jeunes auteurs plus ou moins inconnus, de collaborateurs à des feuilles misérables, d’artistes sans théâtre ; mélange de débutants, de ratés, de talents incomplets, de génies en herbe, de fripouille de tout sexe, et aussi de corps et d’âmes encore presque intacts. Multitude qui se débat entre la faim et la gloire, dont la plupart coule à fond rapidement, dont quelques-uns surnagent, s’accrochant à toutes les épaves, noyant parfois le voisin, dont le très petit nombre atteint le but suprême, et, alors, changeant de costume et de peau, efface de soi les souillures de l’eau trouble du fossé qu’il faut traverser n’importe comment, si l’on n’est point parmi les rares privilégiés qui gagnent commodément la forteresse par le pont-levis et la poterne.

Serviable pour tous ceux qui l’approchaient, sans bégueulerie devant les femmes qu’elle fréquentait sans intimité, camarade avec les hommes, Madeleine était estimée ainsi qu’une force future que, seules, les circonstances, des malchances tenaient encore dans l’ombre. Avec l’indiscutable don théâtral qu’elle possédait, sa passion presque tragique pour son art, à ses vingt-trois ans sonnés, elle eût, sans doute, déjà occupé une place brillante au théâtre, si elle eût suivi la filière habituelle. Mais, enfant unique d’un veuf fonctionnaire, sans fortune, ou l’avait élevée dans le but de devenir institutrice ; il n’y avait que trois ans que la mort de son père lui avait permis de suivre la voie qui l’attirait. À cette heure, il était trop tard pour songer au Conservatoire ; d’ailleurs, elle croyait pouvoir s’en passer, emplie de toutes les illusions de ceux qui n’ont pas poussé dans le terreau dramatique. Elle s’était jetée dans la mêlée et s’y débattait énergiquement, taisant avec fierté ses déconvenues, ses souffrances, peut-être ses effrois et ses hontes, marchant bravement vers un but qui,