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pour nous deux seuls, nous pourrions redevenir ce que nous étions. Il serait si exquis, ce jardin secret dans lequel nous irions nous enfermer, oubliant le monde, les êtres nouveaux et factices que les circonstances ont créés en nous, malgré nous !…

Suzanne tourna vers lui son visage amaigri et ravagé.

— C’est impossible !… À quoi bon se leurrer. La vie nous a maltraités également tous deux. Moi, j’ai été atteinte dans ma santé, dans ma beauté, dans tout ce qui fait la femme et, qui, envolé, ne laisse plus qu’un cadavre, qu’une ombre. Toi, c’est ton cœur, ton âme, tout ce que tu avais de bon, de noble, de grand, qui sous la formidable pression de l’étau dans lequel tu nous as précipités, s’est réduit en miettes, en allé en poussière… Nous ne pouvons plus garder d’illusions l’un sur l’autre… L’amour, le désir que tu simuleras pour moi par pitié ou même que tu croiras éprouver passagèrement sera toujours faux… Et moi, jamais plus je ne saurais retrouver pour toi la confiance, l’orgueilleuse sécurité que j’avais lorsque j’étais sûre de ton amour, convaincue de ton génie, de ta valeur morale et de ta probité… Désormais, la vie côte à côte sera le perpétuel supplice du regret de ce qui fut, l’exaspération de ce que rien ne puisse relever ce qui est écroulé… Alors, pourquoi nous imposer la torture de notre présence ?

Castély l’écoutait, une appréhension subitement éveillée en lui par les dernières paroles de la jeune femme.

— Que veux-tu dire ?… Achève… Explique ta pensée jusqu’au bout.

Elle fit un effort.

— Oh ! tu as déjà deviné ! — Oui, quand j’ai pu envisager nettement nos âmes et nos cœurs, je me suis dit ce que je viens de te répéter aujourd’hui… Séparons-nous… divorçons… Seul et libre, tu t’élanceras plus ai-