Page:Pert - L Autel.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Si, je t’aime encore, fit-elle tout bas et lentement. Si je ne t’aimais plus, je ne souffrirai pas… Je détournerais mes pensées de toi et je vivrais heureuse au milieu du luxe dont tu peux m’entourer à présent. — je t’aime encore, c’est-à-dire que j’aurai éternellement la douleur de toi en moi… Mais, je ne t’aime plus comme autrefois, oh ! non ! Je te le répète, tu n’es plus le Robert, je ne suis plus la Suzanne du passé !… de ce passé d’il y a deux ans, et qui pourtant est plus éloigné que si un quart de siècle avait coulé sur nous !…

Ces paroles tombaient sur le jeune homme, suprêmement cruelles, ressuscitant en lui les délicatesses, les élans, l’orgueil d’antan, aujourd’hui piétinés, étouffés. Par ce reproche discret, d’un cœur exquis, il se sentait plus humilié, plus flagellé que par les injures les plus grossières.

Il recula, détournant son regard, et s’en fut jusqu’à la fenêtre, comme s’il eût cherché instinctivement la lumière, l’astre qui réchauffe et vivifie. Mais les rayons radieux du dehors l’aveuglèrent seulement. Sous cette clarté, il sentit toute sa déchéance morale. Le front à la vitre, il baissa ses paupières et s’abandonna, vaincu, au flot amer qui s’épandait en lui.

Un sanglot déchirant souleva sa poitrine.

Cependant, il ne songeait plus à l’implorer, elle, la compagne des jours de jeunesse, de droiture et de dignité : il savait qu’elle avait dit vrai ; ils étaient séparés à jamais.

Des minutes longues passèrent.

Il se calma, il revint à Suzanne, poussé par il ne savait quelle force invisible à lui dire des paroles que, d’avance, il savait absolument vaines.

C’est vrai, fit-il d’une voix tremblante, ces jours ont particulièrement pesé sur nous… Néanmoins, tout au fond de nous, quelque chose est resté intact… et,