— Au trot !… Réchauffons-nous !…
À présent, une victoire sonnait en sa voix éclaircie, brillait en ses yeux. La ride de son front disparut. Ses traits détendus, il rajeunit soudain : on ne lui eût pas donné plus de vingt-cinq ans.
Au lieu que, pâlie, le visage tiré, Suzanne s’enfonçait dans une rêverie oppressante, l’âme comme envolée de son corps, voyageant en des espaces lointains, où elle apercevait des spectacles d’horreur…
Robert bavardait sans discontinuer, aucune parole ne parvenant à l’entendement de Suzanne, bien qu’elle s’appliquât presque douloureusement à écouter, à saisir des mots qu’elle se répétait ensuite, incapable d’en déchiffrer ou d’en retenir le sens.
Ils arrivèrent à la gare de la Porte Dauphine. Le ciel s’était définitivement couvert et un souffle de vent aigre courait. En bas, il faisait chaud, et tout luisait. Le bruit du wagon courant impétueusement engourdit la souffrance mentale de la jeune femme. Elle se réveilla dans la vie ambiante. Sa main chercha furtivement celle de son mari, dans un ardent souhait de pitié, de protection.
— Robert ?
Il lui répondit, préoccupé et souriant :
— Écoute, chérie, je vais te laisser remonter seule… Je passe un instant chez Mady. Peut-être y a-t-il du nouveau. — Ah ! si ma pièce pouvait être jouée, ne fût-ce que pendant huit jours, n’importe où, n’importe par qui !…
Suzanne s’affaissa dans son coin, un pli de découragement à la lèvre, une lueur de détresse en ses pâles yeux bleus.
— Ah, tu me laisses ?…
L’on arrêtait. « Clichy ! » Ils sautèrent sur le trottoir