par le trouble des souvenirs rétrospectifs, car La Boustière exposait immédiatement le motif de l’entrevue qu’il avait provoquée. Il montrait cette hâte maladroite propre aux timides.
— Je suis très touché que vous ayez bien voulu venir à moi. Voici de quoi il s’agit… j’ai écrit une pièce… Je la crois bonne, parce que j’y ai mis… enfin, c’est l’ex- pression des choses que j’ai senties… cruellement. Mais je comprends très bien qu’elle est incomplète, qu’il y manque d’abord de la modernité, de l’esprit, une foule de détails, de… comment dirais-je ? de trucs que je se- rais incapable d’inventer et d’agencer… Et j’ai pensé à vous. Vous qui avez connu celle qui est l’âme de mon drame. Vous qui avez tout le talent que je n’aurai ja- mais… Alors, je me suis dit que peut-être, à cause d’elle, vous consentiriez à collaborer avec moi… à lire et à revoir ma pièce, à la remanier.
Les yeux attachés sur le gros homme, Robert questionna :
— Dois-je comprendre que l’héroïne est cette pauvre… ?
Joseph-Pol hocha la tête affirmativement et acheva :
— Madeleine Jaubert, oui, c’est elle, c’est sa figure qui s’est imposée à moi pour un drame… Mon Dieu, un drame que j’ai écrit d’une façon bizarre, comme si quelqu’un d’invisible en moi me l’eût dicté. Et quelque chose que je tiens à vous dire tout de suite, monsieur Castély, afin que rien d’équivoque ne se lève entre nous… Je n’ai jamais eu d’animosité contre votre personne, même aujourd’hui que Mady est morte… à cause de vous. Oh ! ne dites rien, ne protestez pas !… Je sais, j’ai deviné bien des choses… Je vous le répète, je ne vous en veux pas… Il y avait une mauvaise fatalité qui pesait sur nous tous… et tant de malentendus ! Enfin, si donc cer-