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tendais résonner sur le trottoir son petit pas rapide, comme lorsqu’elle rentrait, le soir, après avoir reporté de l’ouvrage… Je ne fis qu’un saut ici… et la tête me partait de chagrin, à penser que peut-être elle arriverait avant moi et qu’elle trouverait la porte close… et qu’alors, découragée, elle repartirait dans le noir… dans l’abandon !… Et cela, par ma faute à moi, qui n’étais pas là pour la recevoir, pour la garder.

Les mains tremblantes et errantes sur son tablier qu’elle froissait d’un geste machinal, la vieille femme reprit haleine et repartit aussitôt, la voix cassée par la lassitude de parler et l’émotion croissante qui la gagnait à remuer ces souvenirs d’horreur encore si proches…

— Enceinte, enceinte, la pauvre petite !… Et, se tuer pour cela !… Elle n’avait qu’à le faire, son gosse, on l’aurait élevé !… Il n’y avait pas de père ici pour la cogner et lui dire des sottises, et ce n’est pas une mère qui peut trouver de grande colère dans son cœur pour une pauvre fille qui s’est laissé tromper… Mais elle était trop délicate, trop rêveuse, trop au-dessus de sa position, la pauvre enfant ! — Dans sa tête, c’étaient des idées comme on n’en voit que dans les livres… et pour elle le malheur n’était pas comme pour nous autres… Bref, monsieur, pour vous finir, j’ai couru la nuit entière d’ici à là-bas, et de là-bas ici… Dix fois, j’ai manqué d’être arrêtée et jetée au poste… mais, je m’échappais, je courais devant les agents comme une folle… Enfin, au matin, j’ai pu entrer à la Morgue. Elle n’y était pas !… J’ai conté mon histoire à un monsieur bien doux qui m’a donné des paroles d’espoir… On m’a mise dans une voiture, et l’on m’a ramenée ici… Cette fois, j’étais à bout… je suis tombée comme morte sur mon lit et j’ai dormi. J’ai pu dormir, monsieur… et c’était juste à ce moment que des mariniers repêchaient son corps… là-