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y a quatre ans. De famille, il me reste donc tout juste le bonhomme Dolle, qui vivote là-bas, sur son petit bien… Je vais le voir une fois par an et je lui envoie un peu de tabac, un couteau pour greffer ses pommiers, un tricot de laine et mes vieux chapeaux à haute-forme. Il m’appelle « mon garçon » et je le nomme « père ». Ce qui ne l’empêche pas à l’occasion de me dire philosophiquement, quand il parle du défunt docteur Besnard : « Ton paternel, le meg’sin. » Vous voyez combien je suis vraiment isolé dans la vie, et combien j’aurais besoin de votre présence. Vous, qui êtes pour moi l’être qui émeut si violemment les sens que l’on croit que nulle autre créature ne pourrait vous apporter une pareille ivresse… Vous, qui êtes aussi un ami sûr, clairvoyant, ferme, presque viril… Vous qui, surtout, représentez pour moi l’épaule tendre et compatissante, le giron de la femme, les bras enlaceurs et affectueux qui m’ont toujours manqués… que j’ai cru si longtemps m’être superflus et dont, auprès de vous, je sens un besoin fou, exaspéré… Tout cela, Henriette, je ne vous le dirais pas si je ne savais pas que vous m’aimez… À nulle femme, à nul être humain, je ne me suis confié comme je viens de le faire, comme il m’est facile et tentant de m’épancher près de vous… Parce que, vous !… Ah ! vous ne doutez pas de ce que vous êtes pour moi et je ne trouve aucune parole pour l’exprimer !…

Il se tut subitement, suffoqué par une émotion nerveuse. Le front courbé d’Henriette l’écoutait, infiniment douloureuse et torturée.

Cependant, lorsqu’elle releva ses paupières et que leurs regards se prirent, se pénétrèrent profondément, Julien fut saisi d’un cruel désappointement. Sans qu’il fût besoin qu’elle le déclarât, il savait qu’il avait vainement combattu : l’obstination de la jeune femme n’avait