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pied sur le degré solide, afin que nous montions ensemble jusqu’au sommet, la main dans la main, épaule contre épaule… Nous éprouverons les mêmes émotions, nous lutterons simultanément, et nous parviendrons au faîte toujours côte à côte. Il ne faut pas me laisser seul, Henriette. Sans vous, à quoi bon triompher ?… »

Il s’arrêta, durant l’espace de quelques secondes, sans qu’Henriette, immobile, songeât à répondre, l’écoutant de toute son âme meurtrie, les yeux attachés sur le sol.

Là-bas, la mer commençait à abandonner le sable de la grève lentement, comme à regret. C’était à présent une grande accalmie de chaleur, l’acuité du soleil se dissipant avec son inclinaison plus accentuée sur l’horizon paisible.

Julien poursuivit, d’une voix atténuée, pleine de tendresse discrète :

Je ne sais pas si vous connaissez la page de ma vie ? Je ne crois pas vous l’avoir jamais dite… Non par faux orgueil, mais parce que, lorsque je suis auprès de vous j’aime mieux ne songer qu’à vous.

Je suis fils de paysans, c’est-à-dire que ma mère était une paysanne mariée à un cultivateur dont je porte le nom. En réalité, mon père était le médecin de la localité… C’est lui qui a payé mon instruction et qui m’a dirigé dans la carrière médicale, pensant que je lui succéderais un jour, là-bas. Il ne m’aimait point ; cependant, il était très fier de moi. C’était un homme dur, grossier et parfaitement égoïste. Mes sympathies allaient au mari de ma mère… une brute pacifique qui m’était bienveillante… Pour ma mère, j’étais simplement le prétexte aux cadeaux, qu’elle extorquait difficilement de son ancien galant, car elle était vite devenue fort laide. J’avais quinze ans quand elle est morte d’un accident. Mon père, le docteur, fut emporté par une apoplexie, il