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ses. Ce n’est pas la connaissance scientifique des vérités physiques qui trouble l’adolescent, c’est l’égrillardise, le mystère équivoque créé trop souvent autour de lui. Vous dites aussi que si l’on place devant lui un tableau de la vie réelle, le découragement le saisira ? Mais c’est que vous apercevez la vie et les hommes sous un aspect trop noir, que vous n’avez en vous ni indulgence ni philosophie. Je pense qu’il est particulièrement nuisible d’entretenir des nuages bleus autour des jeunes âmes, cependant il est tout aussi faux et pernicieux de ne leur montrer que le mal, la méchanceté, la traîtrise de leurs semblables, et cela, surtout, sans appuyer sur cette vérité profonde tous ceux qui font le mal sont des dévoyés, des aveugles ; ils sont les premières victimes de leur ignorance de la nécessité de la droiture, de la bonté, du bien, de l’harmonie universelle… Nul ne peut devenir misanthrope, quelque spectacle désolant qu’il ait sous les yeux, s’il cultive en lui résolument la pitié et la bonté.

Les yeux attachés sur la jeune femme, Dolle prononça :

Quels abîmes de candeur il y a en vous sous votre prétendue expérience !…

Elle leva sur lui son regard où les pensées et les chagrins avaient mis leur indicible patine.

— Ne croyez point que j’aie des illusions sur la société… J’ai souvent souffert par elle, et j’aperçois tout aussi nettement que vous les tares de l’humanité. Seulement, je crois que je vois plus juste que vous lorsque j’écarte de moi toute rancune contre des êtres qui sont ce que leur milieu les a faits, malgré eux, et surtout lorsque je me garde de prendre modèle sur eux.

Dolle allait répliquer lorsque le son d’une corne retentissant bruyamment lui coupa soudain la parole. En même temps, un assourdissant bruit de ferraille venait