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nent de notre ignorance… ou pour mieux dire, de notre mauvaise connaissance des réalités… Le bonheur n’est pas un tissu d’illusions, d’espérances fatalement destinées à être déçues… il réside dans un idéal tout proche, qu’il est donné à chacun d’atteindre, mais que trop souvent l’on ne sait pas apercevoir.

Suzanne eut une exclamation douloureuse.

— Le bonheur !… tout semble ligué, choses et gens, contre ceux qui pourraient le connaître, qui souhaitent le plus ardemment le garder !…

Julien Dolle haussa les épaules avec découragement :

— Qui peut se vanter d’être heureux !… sinon les brutes qui végètent sans réflexion et sans sensation !…

Madame Féraud s’anima :

— Pourquoi les êtres intelligents s’acharnent-ils à chercher le bonheur dans les nuages, au lieu de le prendre dans la réalité ?

Il riposta avec amertume : — Parce que la réalité est ignoble, écoœurante.

— C’est vous qui la faites ainsi !

— Ah ! si vous prétendez réformer l’humanité !… Vous n’avez pas les bras assez solides, ma pauvre amie !…

Henriette répartit avec vivacité :

— Voilà le raisonnement qui perd le monde !… Sous prétexte que les autres agissent mal, vous les imitez !… Vous redoutez d’être seul courageux et vous fuyez, sans réfléchir que c’est la défection individuelle qui crée le fléchissement universel !… Si chacun faisait son devoir, marchait dans la voie droite, résolument, combien l’équilibre serait vite rétabli !…

— D’accord, mais comme c’est irréalisable, pourquoi voulez-vous que l’individu entreprenne une lutte impossible, dans laquelle il se brisera les reins inutilement ?…

— Inutilement !… jeta-t-elle frémissante. Jamais au-