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vain orgueilleux qui rêve d’évangéliser et d’émouvoir la foule, mais l’auteur méprisant son public, cherchant à l’éblouir, à lui arracher ses suffrages monnayés, tout en se revengeant férocement de ses propres luttes, de ses déboires et de ses humiliations.

Pendant le déjeuner, sans s’adresser précisément à madame de Mamers, il s’était efforcé de la séduire, met- tant en œuvre avec un art qu’il s’amusait de trouver subitement formé en lui, tout ce qui lui était départi de charme physique et de grâce spirituelle.

C’était, transposé dans une personnalité masculine et à peine modifié, le jeu habile et audacieux de la fille qui s’offre et se fait désirer par le riche amateur. Enfin, il devina que ses efforts portaient. La belle Valentine perdait sa primitive froideur un rien narquoise ; elle faiblissait ; il la sentait prête à retomber sous son pouvoir. Il risqua une allusion au passé, certain à présent qu’elle serait bien accueillie.

Si vous saviez combien de fois j’ai songé à certain jour du dernier printemps…

— Vraiment ?… Alors, je vous plains, mon cher Castély !…

— Parce que ?

— Le souvenir devait plutôt vous être désagréable, il me semble.

Il fit un geste.

— Ah ! je crois que je n’ai jamais souffert autant que ce jour-là !… Que jamais je n’ai éprouvé une telle colère !… Je vous aurais tuée !…

— Vous voyez bien !…

— Cela ne fait rien… Le rappel de cette heure bizarre et complexe m’était étrangement voluptueux, et je m’y suis souvent attardé…

— Vous savez que je n’en crois rien…