Page:Pert - L Autel.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour se revoir, se créant, grâce à leur entente immédiate, une intimité inconnue de ceux qui les entouraient.

Robert Castély n’avait pas encore été présenté à M. et à Madame Lauraguet, les parents de Suzanne, lorsqu’il dit son amour à la jeune fille et qu’elle l’accepta.

Elle avait promis son existence sans presque rien connaître du jeune écrivain, sachant seulement qu’elle l’aimait éperdûment, qu’elle était sienne à jamais.

Et le mariage, la vie commune, les mois qui s’étaient écoulés, ne leur avaient apporté que de douces surprises.

Ils avaient reconnu en eux, sinon des goûts tout à fait semblables, au moins une pareille tolérance affectueuse des préférences de l’autre ; sinon la perfection impossible en chacun d’eux, une indulgence inlassable, aisée, naturelle, pour les défauts qu’ils se découvraient mutuellement.

Pour la plupart, le mariage provoque par lui-même la mésintelligence, et en chacun le dégoût, l’impatience de l’autre ; pour certaines natures, rare élite dont étaient Robert et Suzanne, la fusion est facile, complète, et ce sont les événements, l’extériorité fatalement hostile qui se chargent de la désunion, de la séparation déchirante de cœurs qui avaient sincèrement rêvé l’éternelle tendresse.

Jusqu’à ce jour, ils s’étaient aimés entièrement, la passion sensuelle et la pure affection se confondant sans effort en eux. Et leur amour — exclusif par soi-même, car il contentait tout leur être joint au sourd blâme, à la persistante malveillance qu’ils sentaient dans la famille de Suzanne les avait tout à fait isolé.

M. Lauraguet, fonctionnaire en retraite, dont autrefois Suzanne était l’enfant préférée, ne lui avait point pardonné un mariage préparé à son insu, ni la passion qu’elle éprouvait pour son mari.