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ondes inégales, d’autant mieux perceptibles : tout donnait une illusion à la fois sincère et un peu ironique de vraie campagne.

— Te souviens-tu de la Métivière ? dit Suzanne, tandis que le bras de Robert quittait le sien pour enlacer tendrement sa taille.

La Métivière !… Cette propriété de Touraine, moitié ferme, moitié château, appartenant à la belle-mère de la sœur aînée de Suzanne, mariée à un officier ; c’était là qu’ils avaient passé le temps de leurs fiançailles… Six semaines de rêve inoubliable dans ce cadre de nature suave, hospitalière, leur faisant oublier l’aigreur, l’hostilité de la famille, qui n’acceptait qu’à contre-cœur le mariage de leur cadette avec l’auteur encore inconnu, ayant déjà dissipé tout ce que ses parents, en mourant, lui avaient laissé de bien en d’infructueux essais littéraires et dramatiques.

Certes, ils avaient connu plus tard des heures plus enivrantes, mari et femme, amant et maîtresse, mais jamais pourtant ils croyaient n’avoir goûté une félicité pareille à celle qui illuminait leurs fiançailles… félicité faite de contentement présent, et d’espoir délicieux, incommensurable, en l’avenir — en cet avenir radieux, splendide que leur union voulue avec obstination par tous deux découpait audacieusement dans l’inconnu du futur.

Leur rencontre, pendant l’hiver précédant leur mariage, dans une maison où chacun d’eux se rendait à peine une fois l’an, avait été un hasard. Un hasard aussi leur avait permis de causer, de se découvrir une amie commune, cette madame Henriette Féraud, près de laquelle ils habitaient maintenant.

Et tous deux poussés par un attrait brusque, étrange, profond, s’étaient ingéniés hardiment et ingénument