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reposait l’autre corps inerte, le désespoir de l’homme et sa révolte étaient-ils réels, profonds — immenses, car il pleurait sur lui-même.

Soutenues par le murmure apaisé et caressant de l’orgue, les voix d’un chœur de jeunes garçons s’élançaient, vibrantes, d’une sensualité ironique, figurant le mensonge perpétuel de la vie, qui offre aux aspirations un idéal splendide, enivrant, lequel, à mesure qu’on l’approche, se décolore, se remplit de taches, de tares, de suprêmes déceptions, jusqu’à la minute où il se désagrège définitivement et disparaît.

Puis, à plusieurs reprises, après des silences où la nuit factice du temple semblait plus lourde, plus anormale, des voix d’hommes, ténor frêle, baryton sonore, exprimèrent les réalités brutales, les angoisses, les espoirs, les leurres de l’humanité, en ce merveilleux langage mystérieux et souverain de l’harmonie.

Dans la flamme verte, dans les vapeurs capricieuses s’échappant des vases d’argent, mille formes indistinctes, mille sourires, mille rictus joyeux ou éperdus, vire-voltaient, s’étreignaient, se confondaient et s’envolaient, moqueusement intangibles.

Et, dominant la cérémonie, la sonnette impérieuse, aiguë, partant de l’autel, qui commandait à la foule aussi docile qu’inattentive, semblait le symbole de la fatalité obscure et despotique qui pèse sur l’existence, où, sans cesse l’on accomplit machinalement des gestes au but oublié, effacé gestes profondément inutiles pour nous-mêmes comme pour autrui.

La voix fielleuse et enrouée de Maurice Sallus murmurant quelque rosserie à son oreille rappela brusquement Castély à la réalité. Près d’une heure s’était écoulée sans qu’il aperçut un visage autour de lui, sans