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Instinctivement, Robert Castély glissa son bras sous celui de Suzanne et s’appuya, tandis que le coffre de chêne verni, apparent sous le drap mortuaire relevé, passait devant lui, pesant et sinistre sur les bras des porteurs.

Une vision déchirante, atroce, le traversait, du corps frêle et livide étendu là… dans le cercueil qui l’avait frôlé… de ce corps, l’avant-veille si souple entre ses bras, cette nuit tragique où ils s’étaient aimés… Le sillon ouvert se refermait. Comme une meute suit la proie morte que les piqueurs emportent en la dérobant, l’on suivait le corps invisible ; l’on pénétrait dans l’église noire aux lueurs d’or s’échappant des lustres qui tombaient très bas, presque au niveau des têtes des assistants.

Un parfum pénétrant d’encens s’épandait, mélangé à l’odeur âcre des tentures noires, à la senteur aiguisée des fleurs et des feuillages froissés.

La chaleur lourde, l’air déjà irrespirable, firent soupirer avec malaise tous les survenants.

— L’on va crever ici !…

Suzanne, serrée aux côtés de Robert, murmurait, en ce besoin de banalité que développe le voisinage des épouvantes chez ceux qu’elle ne frappe pas directement. Elle était très jeune, n’est-ce pas ? Au plus vingt-cinq ans ?

Il répondit, les dents serrées avec impatience :

— Oui, je crois… Je savais très peu de chose d’elle…

Et, suivant le flot qui triait les sexes, plaçait les hommes sur les rangs de chaises à droite et les femmes à gauche, il avança, comme invinciblement attiré par le catafalque lumineux et fleuri, autour duquel flambaient à présent quatre feux verts en des vases d’argent.