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clamation dont la sécheresse surprit la jeune femme.

— Tu aurais pu me consulter avant de t’habiller.

— Mais, ce matin, tu avais dit ?… fit-elle interdite.

Il secoua les épaules ;

— C’est bon.

Et il alla s’apprêter.

Sur la place Clichy, il prit à une bouquetière une botte de lilas blanc qu’il mit sur le bras de Suzanne, tout en poussant la jeune femme vers une voiture découverte qui s’arrêtait devant eux à son appel.

— Monte !

Elle obéit, respirant sans mot dire l’odeur délicate des fleurs que le soleil vif faisait se courber sur leur tige avec une grâce souffrante. Des fleurs, des voitures, ces mille riens superflus qui ruinent le Parisien, Robert s’en montrait toujours prodigue.

Et, bien que la sage ménagère que la gêne avait forcément fait naître en Suzanne se désolât parfois de ces dépenses, jamais elle ne risquait une observation, qui n’eût été accueillie que par un haussement d’épaules agacé ou un sourire indulgent, selon l’humeur de l’écrivain.

Il avait coutume de répéter : « Économisons sur tout ce que tu voudras, mais pas sur cela… On peut se passer de l’utile : l’inutile seul rend la vie supportable. »

Ils firent tout le trajet jusqu’au Bois, et encore un assez long détour dans les allées sans presque échanger deux paroles. Mais le silence n’était ni agressif ni pénible entre eux. Bien que leur pensée se continuât, toujours divergente, ils percevaient néanmoins s’épandre en leur âme et leur corps une entente très douce, de plus en plus accentuée, sinon sur les idées ou les paroles qui demeuraient figées en eux, au moins dans un même sentiment d’affection latente, que les circonstances de