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une part prépondérante dans la vie humaine… Et, au lieu d’assister avec calme à son déclin en vous, vous vous acharnez absurdement, vous, à le retenir, lui, à en rechercher auprès d’autres le fantôme…

Suzanne se récria.

— J’aime Robert !… Je le veux !… Et, puisqu’il m’a aimée, qu’il m’a juré un amour éternel, je puis et je dois le lui réclamer, faire tout ce qu’il me sera possible pour le conserver !…

Madame Féraud la regarda, lançant avec une hardiesse que la tristesse de son accent rendait absolument chaste :

— Son amour ?… Vous voulez dire son étreinte, son baiser d’amant ?… Voilà ce que vous voulez insatiablement !… Voilà ce que vous croyez possible d’obtenir, divin de réaliser perpétuellement ! Vous, et des milliers d’autres, vous vous obstinez devant ce problème insoluble… éterniser dans l’être la répétition du plaisir, en supprimant son but, en le rendant hors nature, et cela, en croyant — insensés que vous êtes tous ! — que vous pourrez y parvenir sans vous détruire matériellement et intellectuellement !… sans asservir votre pensée, vos nerfs, vos muscles sous le joug de cette obsession de la sensualité stérile… sans désorganiser votre âme et votre corps sous cette perpétuelle secousse exaspérée ! — Je ne sais quel romancier[1]supposait dernièrement que la science arriverait à découvrir un élixir supprimant à volonté la possibilité de maternité chez la femme ; et, lui et bien d’autres, s’efforcent de présenter l’acte sexuel sous un aspect de beauté, s’étudient à détruire le sentiment de la pudeur chez les femmes, le respect et le regret de la chasteté chez les hommes… S’ils parvenaient à modifier la société dans le sens qu’ils indiquent, nous

  1. M. Michel Corday, dans Sésame.